Complot à l’Elysee : l’agent de la DGSi

L’Agent de la DGSE

(extrait de Complot à l’Elysée)

Les premières attaques en France avaient été avancées, je ne sais pourquoi. C’était difficile de collecter les infos et de rendre compte. Durant la nuit, le téléphone du boss sonna. Nous voilà en mouvement jusqu’à la Maison des Provinces de France dans un logement d’étudiants, à deux pas de la Cité Internationale Universitaire de Paris, dans le 14e arrondissement.

 Un attaché spécial de la DGSI m’avait parlé des réseaux de recrutements à l’année, près du parc de Montsouris. Approcher un officier de la division K, ou d’une équipe S de la DGSI me paraissait plus en adéquation. J’avais cependant plus de chance d’être accroché par un officier du Service Action de la DGSE lié à l’affaire. Le pays était en alerte. Tout le monde était suspect. Je réfléchissais au message et comment le diffuser : une boîte aux lettres vivante (BLV) ou boîte aux lettres morte (BLM). Je ne savais pas encore pour les coups de filet ni le voyage à Lille de la présidente. Je sentais bien que le plan millimétré des terroristes avait changé. J’échafaudais des hypothèses. Les catacombes, c’est à la station suivante : non. Nous avons ensuite les grands hôpitaux : il aurait fallu une logistique plus importante. La Grande Mosquée de Paris : impensable, ce n’était pas des musulmans. Le Panthéon, la Sorbonne, le Palais du Luxembourg. Des symboles nationaux : tout à fait crédible. La Cathédrale Notre-Dame (non bis in idem)[1].

La seconde équipe nous rejoint au petit matin et amena le petit déjeuner. Ça sent l’improvisation à plein nez. Une cellule parisienne s’est fait choper sur les quais de Seine. Une autre aux pieds de la butte Chaumont, près du théâtre de Guignol, au niveau du passage du plateau, visiblement surveillé par la DGSI. Nous ne sommes pas seuls. Sa mission consiste à incendier des bateaux-mouches, des péniches, des tavernes, des théâtres. En bref, ils s’attaquent aux symboles touristiques et à l’économie. À mon sens, ce n’est que les pétards avant le feu d’artifice. Je sais qu’il y a encore d’autres cellules actives comme la nôtre.

Vers midi, nous avions reçu le feu vert de l’Autorité pour agir. Impossible d’accéder à son téléphone ni de le cloner. Je devais agir à l’ancienne. Ce que je n’avais pas envisagé, c’étaient les souterrains et les réservoirs d’eau de Montsouris. Le chef nous annonça que les biologistes et les artificiers avaient été arrêtés au petit matin. Nous devions improviser, pour la cause. Je n’étais jamais descendu dans les souterrains, mais je savais qu’ils étaient truffés de caméras, capteurs et dispositifs anti-intrusion. Le tout, relié à coup sûr à un PC ultra informatisé et à la Police. Un Ocean 11 qui va foirer ! Ma mission, puisque je l’avais acceptée, était de renseigner un contact, en aucune manière la Police, et de laisser se dérouler l’opération, jusqu’à ce qu’on nous capture.

Nous voilà en route, avec les trois hommes de l’équipe 2, en direction du parc boisé. Nos tenues attiraient l’attention des flâneurs. Des cantonniers marchant à pas décidé en gilets jaunes, un dimanche midi, à Paris, avec des sacs à dos ? Y’a mieux comme couverture pour des terroristes ! Je cherchais du regard mon contact, tout en restant le plus discret possible. Je commençais à penser que la puce indétectable l’était même pour la DGSE ! Un message écrit de type BLM[2] n’aurait pas été possible. Un instant plus tard, c’est devant le théâtre de Guignol que nous stoppons. Franchement ? On va rejouer la Grande Vadrouille ? Ils me prennent pour Bourvil ou quoi ? Le théâtre est petit. L’arche blanche n’est pas éclairée et il est fermé. Finalement, le bon plan.

Le boss sort la clé, nous entrons. Il y avait une séance en début d’après-midi, pas le temps de pique-niquer ! Nous laissons là l’autre groupe et nous dirigeons vers une jolie ruelle pentue aux maisons colorées avec des volets en bois. Un taxi anglais stationnait devant l’une d’elles. C’est devant celle-ci que notre chef nous fait entrer. Une charmante voisine nous sourit, j’en fis autant.

— Bonne jour, répondis-je, avec un accent anglais.

Là, les Serbes me toisent un instant.

C’est une location. À part des sandwichs et des bières, on n’avait rien. Moi j’avais la dalle, pas eux. Un gars sort un piolet et soulève le coin d’une grande dalle de la salle à manger, puis une autre, encore une, et retourne presque toute la pièce. Il cherche l’entrée d’une bouche d’accès ancienne aux tunnels. En reprenant le plan amené par son boss, il s’aperçoit qu’il l’a lu à l’envers. Terroriste du dimanche, va ! On va se faire repérer avec tout ce vacarme ! Je propose de mettre la télé, ce que m’autorise le boss en grimaçant. Il n’y avait pas pensée lui-même.

Une autre heure passe, la cuisine à l’américaine est devenue une tranchée du Chemin des Dames. Moi j’ai toujours la dalle ! Les terroristes ne mangent et ne vont jamais aux toilettes ! Eh bien, moi si. Je décide de m’asseoir et de casser la croûte. Je demande au boss si je peux manger dehors, pour constater si nous faisions du bruit, et monter la garde. Il accepte. La voisine est dans son jardin et appelle son chien. Moi, je ne vois pas de chien. Elle a une case qui manque, où alors elle cherche un coup d’un soir ? Je tente de m’approcher, mais le boss me lance un regard noir. Je ne vais pas pouvoir lui demander de transmettre le message à ma place. Dommage. Le soleil est à son zénith, j’aperçois un mini drone et me prends un frisbee dans la tronche, c’est la voisine. Elle me cherche ou quoi ? Je le ramasse, me place derrière un sapin et l’interroge du regard. Elle me fait signe de communiquer avec le drone. Quel amateur ! Je n’avais rien compris ! J’étais focalisé sur la jeune blonde à forte poitrine. C’est finalement mon contact à la DGSE. J’en profite pour mimer la descente dans les égouts et l’empoisonnement de l’eau. J’espère qu’ils jouent tous au Pictionary, les petits gars derrière leurs écrans ! Le boss me siffle, j’y retourne. J’en oublie de parler de l’autre équipe. La voisine ramasse son chihuahua et éclate de rire.

Heureusement que je ne suis pas un officier de l’Agence ! Moi, je suis le petit gars du 13, un militaire embarqué dans de drôles de missions interagences et interministérielles.


[1] Non bis in idem : pas deux fois pour la même chose !

[2] BLM : boîte aux lettres morte (message déposé) ; s’oppose à BLV (message déposé par une personne physique, un intermédiaire)

( — )